La Bible: histoire des idées
Chagall.
Dieu crée l’homme, 1930
Adam et Ève, le mythe du premier couple biblique : de l’unité parfaite à la Grande Chute
Aglika Stefanova Popova
Université de Sofia « St. Kliment Ohridski »
Sous la direction de : Prof. Roumiana L. Stantcheva
Cycle – Présence de la Bible
Introduction
Le mythe d’Adam et Ève se réfère à la cosmogonie biblique. L’enquête du commencement est l’objet de nombreuses recherches qui posent la question des racines de l’être humain, de son essence et son statut dans la nature. Le présent travail est né de l’intérêt concernant la création du premier couple humain, comme une inspiration pour l’étude des relations entre l’homme et la femme.
Adam et Ève ont connu le bonheur plein et la perfection de l’ordre divin à Eden qui reste, après la Grande chute, comme une indication nostalgique. Ce mythe implique une relation mélancolique envers ce que le monde devrait être. Une thèse qu’on essaie de prouver ici est que l’histoire d’Adam et Ève est inspirée par l’idée de l’union parfaite entre l’homme et la femme qui provient de l’allusion idyllique du jardin divin. De même que les relations compliquées entre l’homme et la femme font partie de la nature humaine corrompue à la suite du péché originel.
Nous avons l’intention de nous appuyer d’abord au texte biblique pour montrer d’une manière consécutive les étapes du récit qui édifient le mythe d’Adam et Ève. Après nous allons approfondir l’analyse du couple saint et parfait pour continuer avec le péché originel et les catégories morales qu’il inclut. L’étude vise à montrer les composantes du mythe et les idées qui y sont comprises et à poursuivre plus tard, sur cette base, ses apparitions et modifications dans la littérature.
Une dernière tâche sera de présenter les grandes questions qui proviennent du corpus mythologique et qui prennent place dans les débats humanistes de différentes époques. Ce sont les questionnements autour la théodicée et la libre volonté de l’être humain. Ces derniers représentent un point crucial dans la compréhension des relations entre l’homme et la femme dans la société humaine des différentes époques.
On va s’appuyer aux acquis des études bibliques modernes et certaines des grandes interprétations philosophiques pendant les siècles.
Le récit biblique et son interprétation mythique
Faire le premier être humain est une étape de la création du monde par la force divine dont la Genèse témoigne. L’histoire d’Adam et Ève à Eden se développe entre le chaos avant l’intervention divine et le monde après le péché originel, c’est-à-dire la réalité, le monde, tel qu’on le connaît. Suite du renvoi d’Eden, le premier couple ne participe plus activement dans la Genèse, sauf par le fait de donner au monde ses fils Caïn, Abel et Seth. Adam et Ève restent les êtres uniques qui ont connus la félicité du jardin divin et sont les responsables de la Grande Chute. Le mythe se développe entre deux espaces spatiaux et temporels, notés dans la Genèse de la manière suivante :
Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme et un souffle de Dieu agitait la surface des eaux. (Avant la création du cosmos)
Gn 1, 1-2 [1]
Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait poussé, car Yahvé Dieu n’avait fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol. (Avant la création de l’homme)
Gn 2, 4a-6[2]
Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d’Eden pour cultiver le sol d’où il avait été tiré. Il bannit l’homme et il posta devant le jardin d’Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l’arbre de vie. (Après la Chute)
Gn 3, 23-24[3]
Dans son œuvre consacrée à la Bible et plus précisément au mythe du commencement, Pierre Gibert énonce la limitation dans le temps et dans le contexte du mythe d’Adam et Ève avec la formulation: « texte clos ».[4] Leur apparence est une affirmation de l’harmonie et la félicité définitive, et en même temps – une négation de la temporalité avant et après la connaissance de ce bonheur.
Pierre Gibert éveille une autre caractéristique du texte qui décrit le mythe d’Adam et Ève. Son style est différent des autres parties et ce n’est pas un récit – au sens strict du terme.[5] La Bible n’est pas un texte homogène, mais dans ce cas, d’autant plus parce que c’est la cosmogonie chrétienne, le ton et le style sont encore plus imposants. Le rythme est répétitif, « Dieu dit… » et « Dieu vit que cela était bon » sont les articulations de mise en scène de l’omnipotence de l’acte divin et elles évoquent l’estime de la qualité de son travail.
On retrouve deux textes concernant la création de l’homme et de la femme dans la Bible. Les recherches modernes sur l’histoire de la composition du texte sacré ont établi la thèse que la deuxième version est yahviste, elle est plus ancienne, écrite en langue folklorique. La première version, proposée au début de la Bible, est due à la tradition élohiste, œuvre d’un travail plus tardif qui vise l’écriture et la compilation définitive du texte sacré.[6] Les deux versions proposent une approche différente au premier couple. Genèse 1 raconte la création de l’homme et la femme en même temps, au sixième jour, tandis que Genèse 2 est dédiée à l’histoire de l’homme créé du sol et, d’autre côté, de la femme provenant de la côte de l’homme.
Dieu créa l’homme à son image,
A l’image de Dieu il le créa,
L’homme et femme il les créa.
Gn 1, 27[7]
Dans l’autre variante :
Alors Yahvé modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant.
Gn 2, 7[8]
Yahvé Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie.
Gn 2, 18[9]
Puis de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme.
Gn 2, 22[10]
La création impose certains types de compréhension de l’être humain. D’abord, c’est une existence du corps et de l’âme dans une même unité. Et après, c’est l’origine divine de l’homme, sa nature de dominer sur la nature. L’homme et la femme forment un couple saint, une seule chair.
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.
Gn1, 26[11]
Alors celui-ci s’écria :
« Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair !
Celle-ci sera appelée « femme »,
Car elle fut tirée de l’homme, celle-ci ! »
C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.
Gn 2, 23- 24[12]
L’indice androgyne du premier homme est développé dans une grande partie des analyses modernes du texte sacré. Les raisons de ce type de traitement s’expliquent d’abord par la création à l’image de Dieu et ensuite, par la naissance de l’homme et la femme en même temps dans la première version, et par la provenance de la femme de la chair de l’homme dans la deuxième version.
Dans le Dictionnaire des mythes littéraires (sous la direction de Pierre Brunel) Marie Miguet a consacré un article au mythe de l’androgyne. Elle compare la version biblique, celle de Platon et d’Ovide. Dans son travail les images Dieu-homme-femme sont traitées ainsi :
Ce récit postule une bissexualité de Dieu et montre en sa double image, l’Adam et l’Ève d’avant la chute, une cohabitation harmonieuse du masculin et du féminin.[13]
L’unité entre l’homme et la femme consiste en deux parties inséparables qui se complètent l’une l’autre et qui n’ont pas besoin de conditions supplémentaires. Par contre, l’union n’est pas seulement entre l’homme et la femme, mais encore entre l’homme et le créateur, une ampleur du mythe qu’on ne doit pas sous-estimer. L’harmonie entre Adam et Ève n’est pas leur mérite, mais une prédisposition génésiaque. Ils cohabitent heureusement jusqu’au moment donné où l’homme demeure en paix avec son créateur.
Dans sa première partie, le mythe d’Adam et Ève reprend l’idée d’un créateur et d’une créature androgyne. Marie Miguet finit son analyse avec la conclusion que l’androgyne peut être source de scandale ou de perfection.[14] On peut reconnaitre la deuxième variante dans le cas d’Adam et Ève. Or, la séparation avec l’ordre primordiale sera douloureuse et on perçoit la recherche de la deuxième partie de l’unité perdue avec la proclamation que la convoitise poussera la femme vers son mari. (Gn 3, 16[15])
Après la chute, les rôles principaux de l’homme et de la femme changent. La séparation de l’androgyne est l’occasion pour Miguet d’utiliser la formulation : « un homme de douleur ».[16] L’homme et la femme dans ces nouveaux rôles ressentent le déchirement comme une partie perdue pour toujours. Mais aussi, c’est un déchirement entre le créateur et la créature, un lien de confiance dans l’existence perdu.
Le fondement de cette douleur se manifeste dans le drame d’Eden. Il était déjà remarqué le caractère affirmatif et répétitif du texte biblique qui pose des difficultés devant l’analyse. Les figures d’Adam et Ève ne sont pas facilement saisissables hors les proclamations du Seigneur pour l’essentiel de leur couple. La communication entre eux n’est pas présente dans le texte biblique. Pourtant, on aperçoit les paroles entre Adam et le Seigneur, entre Ève et le serpent, entre Ève et le Seigneur, mais jamais entre eux deux. En conséquence l’image de leur couple à Eden est assez vague.
Le jardin d’Eden est une indication pertinente pour le paradis perdu, un espace déjà interdit pour l’homme et gardée par la flamme des chérubins. Cependant, on ne retrouve nulle part la description de la vie heureuse d’Adam et Ève à l’Eden. Le texte biblique dévoile seulement la promesse du Seigneur et Genèse 3 – Le récit du paradis, témoigne le drame d’Eden qui se produit. Ceci contribue au développement du mysticisme des espaces qui restent inconnus pour la vie éternelle de l’homme, tout comme l’Enfer.
Ève a été séduite par le serpent et Adam se trompe ensuite, en faisant confiance à sa femme. Après la création qui fait référence à l’unité androgyne, pour la première fois dans cette partie, les deux figures entreprennent une action indépendante. Dans les deux scènes, la confiance joue un rôle principal. D’abord Ève et après Adam ne font pas confiance au Seigneur, mais à leur interlocuteur.
Le Serpent répliqua à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal. » La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu’il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea.
Gn 3, 4-6[17]
L’accomplissement du péché originel ne produit pas la confrontation entre l’homme et la femme, mais entre l’homme et le créateur. Le serpent, « le plus rusé de tous les animaux »[18], installe le soupçon envers la bienveillance éternelle de Dieu. L’apparence du séducteur mit en scène la connaissance du bien et du mal au sens des premières catégories moralistes pour l’homme. En même temps, la scène possède un caractère paradigmatique, car avant la distinction de l’opposition entre le permis et l’interdit, entre la bienveillance divine et la honte humaine, la Bible témoigne pour le combat entre « le Séducteur » et le Créateur pour les actes humains.
Le serpent reconstruit les traits du Satan par l’intermédiaire de son introduction dans le texte et à travers la manière dont il influence la nature humaine. Le Tentateur, le Père du mensonge, Révolté, Maudit, ce sont les noms qui désignent ses actions par périphrase.[19] Il introduit la révolte de l’homme contre son créateur et la malédiction qui suit. L’implication du serpent dans la genèse de l’humanité est la source des interprétations manichéistes qui remplacent le projet bienveillant d’un seul créateur avec l’idée de deux forces primordiales égales – une bonne et une mauvaise volonté divine.
Dans l’étude contemporaine de Michel Viegnes, le serpent démontre le caractère mimétique du Satan :
« Tout en lui (Satan) est mimétique. N’ayant pas d’être autonome, il ne peut se révolter contre l’unique réalité, celle de Dieu, qu’en la parodiant, en la retournant. La première parole qui émane de lui, dans la Genèse, se place d’ailleurs sous le sceau du mimétisme : « Vous serez comme des Dieux », dit le Serpent à Ève. »[20]
La culpabilité d’Ève est souvent évoquée en retournant la culpabilité au genre féminin. Par contre dans le texte biblique, le Seigneur cherche la culpabilité d’abord auprès d’Adam qui répond :
L’homme répondit : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! »
Gn 3, 12[21]
Robert Couffignal interprète la scène d’Eden comme une transmission du message biblique enseignant que nos malheurs proviennent de notre désobéissance à l’ordre divine.[22] Il emprunte la fameuse structure de Claude Lévi-Strauss concernant le mythe antique d’Œdipe pour montrer que la Chute commence par la surestimation des relations parentales, passe à la sous-estimation de ces relations, pour finir avec la victoire sur le monstre (le serpent) et la nomination. Ainsi, le nom d’Adam marque un nouveau lien avec la terre.[23]
De même comme dans le mythe d’Œdipe, le premier homme est maudit, la malédiction sera héritée par ses enfants. À part la douleur du déchirement qui vient avec l’émancipation, le texte biblique témoigne la punition, c’est-à-dire – la mortalité du genre humain. L’étude de Miguet prouve que le drame d’Eden pourra reconstruire un système significatif. Il regroupe la vie du couple dans le paradis perdu d’après le critère « VIE sans mort » en l’opposant à la « VIE terminée par la mort », l’objet de la réalité humaine. La différence entre les deux statuts est au fond des liens d’égalité entre l’homme d’une part et d’autre part : le créateur, la femme et les animaux. Le monde après le péché originel présume que la créature n’est plus pareille à son créateur. Fait à l’image de Dieu, l’homme a perdu l’éternité. Et aussi, l’époux n’est pas égal à l’épouse, les rôles de l’homme et de la femme se distinguent.[24]
La douleur humaine se produit à cause du déchirement des liens de parenté avec le créateur et de la cohabitation androgyne du premier couple. Ces relations ne sont pas effacées, mais elles sont modifiées. La perte de l’idylle consiste à la perte de la balance égalitaire entre l’homme et le monde qui l’entoure. Leurs nouveaux rôles hors d’Eden sont prononcés de la même manière que la création, la volonté omniprésente décrit les scènes du monde humain :
« …Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi. »
A l’homme il dit : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé l’arbre dont je t’avais interdit de manger,
Maudit soit le sol à cause de toi !
Gn 3, 16-17[25]
… Car tu es glaise
Et tu retourneras à la glaise.
Gn 3, 19[26]
De telle manière, trois faits incontestables sont introduits pour l’humanité et deviennent l’objet de grands débats dans la philosophie, ainsi que dans la théologie. Ce sont, le sens d’une malédiction qui empêche l’harmonie dans la réalité humaine, le problème de l’inégalité des genres et la mortalité du corps humain, malgré son origine divine, qui amène la question pour le destin de son âme.
Dans le Nouveau Testament, on retrouve le réinvestissement de la figure d’Adam dans la vision de Dieu père ; Joseph ; Jésus Christ. Une nouvelle chance est donnée à la femme avec la naissance du Messie. Sa culpabilité originelle est remplacée par la mise en scène du salut pour l’humanité. C’est un nouveau commencement qui amène un nouveau pacte avec le Seigneur. Dans son analyse typologique des sujets bibliques, Northrop Frye étudie le Nouveau et l’Ancien Testament comme deux parties d’un corpus textuel qui se reflètent l’une l’autre. Parmi les exemples de cette thèse est la vision de Christ comme un nouvel Adam dans l’épître de St Paul aux Romains (Le Salut par la foi).[27] Si Adam est le père de l’humanité, Christ reprend sa fonction pour être défini comme le sauveur de cette humanité.
Dans son étude, Pierre Gibert s’appuie au même exemple et aux évangiles pour nommer le Christ « l’ultime commencement »[28]. Adam et Ève sont seulement le premier couple qui va se reproduire, mais ils vont rester la référence des Patriarches auxquels on s’adresse pour résoudre les problèmes génésiaques de la nature humaine.[29]
Le mythe et le discours sur les rôles de l’homme et la femme
Le mythe du premier couple transmet la question de l’origine et de la malédiction de l’humanité. La distinction entre l’homme et la femme n’est pas poursuivie dans les recherches. C’est une approche soutenue du récit biblique où la description des caractères ne fait pas partie des composantes et des objectifs du texte. On va essayer de regrouper certaines particularités qui seront attribuées à la compréhension mythique d’Ève et d’Adam.
Ève est la première femme et trois aspects se mêlent dans le texte biblique, dédié à sa figure : elle est la femme, la victime et la mère.[30] Il semble que son image est plus riche à cause de sa culpabilité, son apparence secondaire et la punition qui la proclame comme la partie dominée du couple.
Dans son étude consacrée à la femme biblique, l’exégète bulgare Milena Kirova affirme que le récit du commencement est parmi les grands facteurs qui ont influencé la formation de la féminité dans la civilisation chrétienne.[31] Elle annonce la compréhension d’Ève dans ses valeurs de première femme[32] :
- La femme est créée après l’homme et cela présume sa participation secondaire et mineure dans le monde humain.
- La femme est faite de la côte et du nom d’Adam, ainsi elle représente une partie de la chair, mais la partie ne donne pas la perfection de la totalité.
- La femme est créée pour être l’aide de l’homme qui lui soit assortie. Elle ne peut pas jouer les mêmes rôles que l’homme, son encadrement est prédestiné à la maternité.
- Le serpent ne séduit pas l’homme, mais la femme, parce qu’elle est plus irraisonnable, insensée et infidèle.
- Après avoir été dupée, la femme laisse enduire en erreur l’homme, elle fait échouer l’humanité et son statut divin, elle incarne la douleur et la mortalité.
- Elle est punie avec la plus grande rigueur, car sa faute est plus grande. Elle sera la dominée et elle souffrira pendant l’accouchement.
Il est plus difficile de reconstruire un pareil portrait de la partie masculine du couple. L’homme n’est pas imaginé en détail, car il incarne en soi l’absolutisme du projet divin. Pourtant, on peut motiver son apparence à partir de tout ce que la femme n’est pas d’après les exemples déjà mentionnés.
Alors, Adam sera la partie primaire, faite à l’image de Dieu pour gouverner le monde fondé jusqu’au sixième jour (Gn 1, 26). Il incarne la perfection de la totalité dans son corps. Il devrait s’appliquer activement au monde qui lui appartient et on suppose son rôle majeur. L’homme n’est pas séduit par le serpent, car il est plus fidèle au Seigneur, plus raisonnable et d’une volonté plus forte que la femme. Il a été puni à cause de la faute de sa femme que le même Seigneur a prédestinée pour son aide, en conséquence il est moins coupable. Sa punition concerne de nouveau son rôle dans le monde qui lui appartient, mais elle applique les difficultés devant sa tâche. Il devrait se battre pour gouverner, une position dans la nature qui lui appartenait auparavant. Mais il garde son statut dominant dans le couple.
Le sens du nom ‘adama’ est la terre. Ainsi comme son Créateur, Adam est l’opposé des mythes anciens où la terre s’associe avec l’origine féminine et la maternité. Dans la lecture de Northrop Frye, le texte sacré établit l’ordre patriarcal de telle manière.[33] C’est le leitmotiv du passage concernant l’unité dans une chair et proclamant que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme (Gn 2, 24).
Les géniteurs se réfèrent au prolongement temporel de l’être humain. Dans cette partie de la Genèse est articulée une modulation du principe que la peur de la temporalité doit être refrénée par la rupture avec la temporalité. C’est la raison de la rupture avec l’origine féminine aussi, des deux parents – la mère est celle de laquelle on doit se libérer. La vie dans le cycle mécanique et fermé de la Mère Nature semble perpétuelle.[34] La Bible postule un nouveau début, la vie humaine est un continuum auquel on appartient avec la naissance et duquel on se détache après la mort. Mais d’après Frye, parce que c’est notre vie qui commence et qui s’achève, on insiste que les véritables débuts et les fins temporels sont incarnés dans une conception de la réalité beaucoup plus compliquée.[35]
C’est une manière d’interprétation de la domination du genre masculin dans le texte biblique. La création de l’homme ne ressemble pas à une véritable naissance mais plutôt au réveil d’une nouvelle conscience pour la temporalité de la vie humaine, où la mortalité ne referme pas un paradigme clos. Et la femme est soumise à cette construction autant que réalisation de la maternité et de la nouvelle vie.
Le traitement par les courants féministes est aussi une des approches fondamentales pour la compréhension des rôles d’Adam et Ève dans leur qualité de couple. Guidés par la conviction que le féminin ne devrait pas suggérer un état de subordination et un sexe de mépris, ces courants développent l’idée qu’il ne faut pas analyser le premier être humain comme une création définie des qualités du genre masculin.
Phyllis Trible s’appuie sur la description biblique du premier être pour affirmer que c’est une création qui n’est ni masculine, ni androgyne non plus, parce que la notion de sexe ne se réfère pas au moment biblique.[36] ‘Adama est une appartenance collective à l’idée de l’humanité, c’est un terme générique qui englobe la compréhension de l’être. C’est une référence qui devrait rappeler aux hommes, ainsi comme aux femmes, leur caractère terrestre et leur mortalité.
D’autre côté l’expression «une aide qui lui soit assortie » (Gn 2, 18) permet une interprétation qui apprécie la figure féminine et ne la sous-estime point. Bien évidemment parmi les animaux, l’homme n’a pas pu trouver cette aide.
L’homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages, mais pour un homme, il (Yahvé Dieu) ne trouva pas l’aide qui lui fût assortie.
Gn 2, 20[37]
C’est la raison qui permet la conclusion que la femme est égale à son mari, qu’elle lui fût assortie. Carl Jung est Erich Neumann postulent ainsi comme Frye que la création d’Ève de la côte d’Adam est une renonciation à la tradition matriarcale, un retournement des symboles qui apporte le sens moralisant et une nouvelle évaluation pour la nature.[38] C’est la renonciation de l’ordre génétique qui sera remplacé par un ordre spirituel.
Les deux parties du couple se séparent en raison de leur genre juste après la création d’Ève. L’homme se reconnait dans sa diversité personnelle après avoir vu l’aide que le Seigneur lui envoie. Kirova postule que l’apparence de l’idée du sexe devient possible après l’acte commun de la différenciation de type miroir qui se produit lors de leur première rencontre.[39]
Avec la proclamation de la sainteté de l’unité entre l’homme et la femme s’établit aussi l’institution du mariage. Une fois détruite, la cohabitation en état de perfection entre l’homme et la femme dans le jardin d’Eden, leur unité prend un nouveau début. Ce n’est plus le couple de type androgyne, mais c’est encore une fois une union sacrée qui suit l’ordre divin. La modification des rôles sert à la nouvelle mise en valeur des deux êtres, mais leur prédestination de s’accomplir et de se reproduire est toujours présente.
Dans le Nouveau Testament, Jésus Christ rappelle une seule fois l’histoire d’Adam et Ève et cela se produit pendant son discours concernant le divorce dans l’Évangile de Saint Matthieu :
Question sur le divorce
Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, et qu’il a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. »
Évangile selon Saint Matthieu 19, 4-6[40]
Alors, Adam et Ève possèdent aussi un rôle didactique et moralisant. Le texte biblique commence par la Création du monde et s’achève avec l’Apocalypse. Entre le début et la fin, les aspects particuliers de l’histoire humaine sont présentés sous la forme de noms symboliques. Abraham, Sara et la servante Agar, Ruth, Esther, ce sont les noms symboliques qui présentent différentes circonstances et obstacles devant l’unité de la famille. La famille est vue par l’intermédiaire de la mission qu’elle doit accomplir et sa cause transcendantale. Les relations entre Adam et Eve posent les débuts de l’humanité, mais aussi de la généalogie de Jésus.
. Après la naissance du Messie, l’Épître de St Paul devant les Éphésiens reprend le message divin de la Chute, concernant les rôles de l’homme et la femme. Dans ce cas, leurs rapports sont transfigurés en métaphore des rapports entre Jésus Christ et la Sainte Église. St Paul s’appuie à l’obéissance au nom de l’unité qui sert la cause chrétienne. La famille est dotée d’une nouvelle mission, celle de maintenir la doctrine.
Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ.22 Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur :23 en effet, le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Eglise, lui le sauveur du Corps ;24 or l’Eglise se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris.25 Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise : il s’est livré pour elle…
Les Épîtres de Saint Paul, aux Éphésiens 5, 22-26[41]
La Genèse reproduit l’histoire du premier homme et de la première femme, la Bible va continuer de présenter les relations du couple en soulignant leurs rôles sociaux et leur rang dans la communauté. Le mariage obtient un statut ontologique et rituel. De telle manière se réalise la réminiscence de l’existence androgyne avant la Chute. C’est la forme qui reprend la créature à l’image de Dieu et c’est la forme qui met en relation l’ordre divin avec l’homme.
Le questionnement sur le péché originel
Par l’accomplissement du péché originel commence l’existence dans un nouveau monde, qui n’est ni le chaos avant l’intervention divine, ni le jardin d’Eden, mais la réalité des adamites. La connaissance du mal est parmi les grands thèmes théologiques. Les écrits non canoniques abordent de même la Genèse pour raisonner sur les problèmes de l’être. Le péché qui amène la connaissance du bien et du mal est au fond de la nature corrompue. L’homme et la femme ne connaissent plus l’harmonie et le bonheur dans leur totalité. La présence de leurs figures dans la littérature plus tard pose la question de la crise des relations entre les individus. C’est une des manifestations de « l’homme de douleur », à la recherche de l’impossibilité de satisfaction dans la nature qui l’entoure.
On va rappeler quelques-unes des grandes études sur la connaissance acquise par l’homme et la femme après la Chute. Dès la mise en question de l’autorité divine, vient le grand débat de la théodicée. Ou encore, pourquoi Dieu n’a pas créé l’homme tellement parfait qu’il serait capable de se préserver du péché originel et de chaque acte mauvais. L’implication causale de Dieu dans l’existence du mal met en doute sa sainteté. Un Dieu intelligent ne peut créer qu’un monde qu’il va définir lui-même comme « bon » et où il n’y aura ni le péché, ni la peine, ni la mort.
1.10 Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon.
Gn 1, 10[42]
D’après Frye, un mythe cosmogonique et en même temps anthropologique qui établit l’idée de la bienveillance divine, aura besoin d’un mythe parallèle qui va expliquer l’imperfection du monde.[43] La discussion continue chez d’autres auteurs. Paul Ricœur admet aussi que l’énigme de la mauvaise nature de l’homme se développe dans les relations : péché-peine-mort.[44] Le péché transforme l’action humaine en action de responsabilité, subordonnée à la catégorie de la morale. La raison de la peine se trouve dans les liens dialogiques entre le mal effectué et le mal subi. C’est l’objet de la faute d’Adam et Ève aussi, la désobéissance est le premier acte mauvais de l’homme et en même temps l’acte qui le change en victime.
Une des conclusions de Ricœur par rapport au nouveau statut de l’homme est qu’il se sent victime quand il est coupable.[45] Lui, de même comme Frye[46], admet qu’après la Chute commence une métaphore judiciaire où l’homme est présenté par Jésus comme avocat et par le Diable – comme procureur. Sauf que Ricœur inclut que l’homme est en état perpétuel d’accuser son créateur.
Le philosophe Saint Augustin est parmi les premiers qui s’opposent au savoir acquis après le péché originel, mais il le fait avec l’appareil des néoplatoniciens. La tradition de Plotin et du néoplatonisme définit le mal comme un défaut, une privation de l’être. Le mal est évoqué toujours par opposition à un statut positif, et alors ce mal dépend de sa relation antinomique avec le bien. Chez Saint Augustin le mal est l’évocation du verbe latin deficere, l’opposé d’efficere (effectuer, achever, accomplir), alors le mal est la négation de l’action, le non-accomplissement. Celui qui exécute l’action du mal, il ne réalise pas un effet (effectus), mais il réalise le rien (defectus), il dés-effectue sa propre subjectivité, son être devient le non-être. On retrouve dans les termes de Saint Augustin l’articulation de la thèse suivante:
Être privé de tout bien, c’est le néant absolu. Donc aussi longtemps que les choses sont, elles sont bonnes. Donc tout ce qui est bon ; le mal, dont je cherchais l’origine, n’est pas une substance, car s’il était une substance, il serait bon…[47]
Saint Augustin refuse la pensée qui traite le mal comme une substance et ainsi il établit la nouvelle idée du nihilo, qui sera transmis dans la pensée européenne ultérieure. De telle manière s’établit le traitement moralisant et aussi c’est une négation absolue du dualisme de type manichéen qui pourra interpréter le mal comme une composante de la création des premiers êtres et de leur vie terrestre.
La théodicée de Leibniz plus tard va appliquer la compréhension métaphysique de la peine et de la mort. Le roman philosophique Candide de Voltaire polémise avec cette compréhension et dénonce comme dérisoire ce type de providentialisme.[48] Selon la conception optimiste de Leibniz, le mal est nécessaire pour l’accomplissement du bien.
Mais entre toutes les combinaisons infinies il plu à Dieu d’en choisir une où Adam devoit pécher…[49]
D’après Ricœur, la tradition, de Saint Augustin à Leibniz, qui aborde la théodicée à travers le discours ontothéologique, sera interrompue avec la Dialectique d’Emmanuel Kant dans la Critique de la raison pure. Kant généralise comme mauvaise toute action qui déclenche le chaos. La question d’où vient le mal sera remplacée par la question : pourquoi on fait le mal.[50] Cela veut dire que l’illusion transcendantale qu’on trouve dans le mythe d’Adam et Ève prend une nouvelle voie.
Hegel devance la Généalogie de la morale de Nietzsche pour postuler que le mal se referme dans le jugement d’où commence la vision moraliste.[51] Une nouvelle étape dans la compréhension de l’homme comme la victime du péché d’Adam et Ève présente le pessimisme métaphysique et social. La thèse de Spinoza exerce son influence : il proclame les dimensions illusoires du mythe et se confronte à la thèse d’une création divine par libre volonté.[52] Inspiré par Spinoza, Nietzsche n’observe pas le mal comme un phénomène moral, mais comme une explication moralisante des phénomènes.
Conclusion
Avec l’évocation des scènes bibliques qui présentent Adam et Ève, de la Création jusqu’à la Grande Chute, on a essayé de montrer les étapes que suit le mythe. Les rôles de l’homme et de la femme, comme deux parties du couple saint, ont été montrés avec l’idée de souligner les paradigmes qui se produisent dans l’imaginaire, mais de même dans les critères et les compensions théoriques et philosophiques.
L’existence de type androgyne est fondamentale pour la compréhension de l’état de perfection, visé dans le texte sacré. Toute aussi fondamentale est la conception de l’état de l’homme de douleur après le déchirement de l’union avec le créateur et ses relations avec l’autre moitié du couple. L’expulsion d’Eden est un nouveau début pour les patriarches humains, qui impose le rachat de la faute et la nostalgie, l’impossible réconciliation avec le monde tel qu’il est. La question de la théodicée est centrée sur le problème du mal dans ses relations ontologiques entre l’être et le Seigneur. C’est aussi une manière de centrer le mythe d’Adam et Ève dans la problématique du péché et du savoir acquis. Ainsi leur interprétation moderne se réfère-t-elle de même au discours sur l’impossible harmonie des relations entre l’homme et la nature corrompue qui l’entoure et dont la femme fait également partie.
Bibliographie
1. La Bible de Jérusalem http://bibliotheque.editionsducerf.fr/par%20page/84/TM.htm, novembre 2011
2. Couffignal, Pierre. Eden. // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p. 534-551
3. Gibert, Pierre. Bible, mythes et récits de commencement. Paris, Editions du Seuil, 1986.
4. Leibniz, Gottfried Wilhelm. Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal. <http://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=NDo-AAAAYAAJ&oi=fnd&pg=PA203&dq=Essais+de+th%C3%A9odic%C3%A9e+Leibniz&ots=xCkQ9PkgPu&sig=6iZPatT1T9INWXVuaMNeboa_CJE#v=snippet&q=adam%20eve&f=false, 15.11.2011>
5. Miguet, Marie. Androgynes // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p. 57-77
6. Saint Augustin. Les Confessions, livre VII, chapitre 13; traduction de Joseph Trabucco, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p.145
7. Troisfontaines, Claude. Spinoza : la mise en question de la création par une volonté libre. // La Genèse dans la littérature. Exégèses et réécritures. Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2005, p. 85-96
8. Viegnes, Michel. Révolte contre la réalité : la métaphysique du mal chez Bernanos.//Cahiers de l’Association internationale des études francaises, 1993, N°45. pp. 163-176 <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1993_num_45_1_1814, 06.05.2011>
9. Villeneuve, Roland. Satan. // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p. 1188-1206
10. Кирова, Милена. Библейската жена. Механизми на конструиране, политики на изобразяване в Стария завет. София, ИК „Стигмати”, Университетско издателство „Св.Климент Охридски”, 2005.
11. Рикьор, Пол. Прочити. София, УИ „Св. Кл. Оридски”, 1996.
12. Фрай, Нортръп. Великият код. Библията и литературата. Изд. „Гал Ико“, 1993.
[1] La Bible de Jérusalem <http://bibliotheque.editionsducerf.fr/par%20page/84/acces_livre.htm#>, p. 37
[2] Ibid, p. 39
[3] Ibid, p. 42
[4] Gibert, Pierre. Bible, mythes et récits de commencement. Paris, Editions du Seuil, 1986, p. 131
[5] Ibid, p. 130-131
[6] Кирова, Милена. Библейската жена. механизми на конструиране, политики на изобразяване в Стария завет. София, ИК „Стигмати”, Университетско издателство „Св.Климент Охридски”, 2005, стр. 25
[7] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 39
[8] La Bible de Jérusalem, op. cit., p ; 39-40
[9] Ibid
[10] Ibid, p. 40
[11] Ibid, p. 38-39
[12] Ibid, p. 41
[13] Miguet, Marie. Androgynes // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p. 58
[14] Ibid, p. 62
[15] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 42
[16] Miguet, Marie. op. cit., p. 64
[17] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 41
[18] Ibid
[19] Villeneuve, Roland. Satan. // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p 1189
[20] Viegnes, Michel. Révolte contre la réalité : la métaphysique du mal chez Bernanos.//Cahiers de l’Association internationale des études francaises, 1993, N°45, p. 170 <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1993_num_45_1_1814, 06.05.2011>
[21] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 41
[22] Couffignal, Pierre. Eden. // Dictionnaire des mythes littéraires. Sous la direction du Professeur Pierre Brunel. Éditions du Rocher, 1988, p. 534
[23] Ibid, p. 535
[24] Ibid, p. 536
[25] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 42
[26] Ibid
[27] Фрай, Нортръп. Великият код. Библията и литературата. Изд. „Гал Ико“, 1993, стр.146
[28] Gibert, Pierre. op. cit., p. 250
[29] Ici, on inclut les problèmes qui proviennent de la connaissance du mal et de la punition divine.
[30] Couffignal, Pierre. op. cit., p. 544
[31] Кирова, Милена. op. cit., стр. 20
[32] Ibid , p. 21-24
[33] Фрай, Нортръп. оp. cit., стp. 139
[34] Ibid, p. 140
[35] Ibid
[36] Кирова, Милена. op. cit.,стp. 31
[37] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 40
[38] Кирова, Милена. op. cit.,стp. 34
[39] Ibid, p. 38
[40] La Bible de Jérusalem, op. cit., p.1710
[41] La Bible de Jérusalem, op. cit., p. 2015
[42] Ibid, p. 48
[43] Фрай, Нортръп. op. cit.,стp. 141
[44] Рикьор, Пол. Прочити. София, УИ „Св. Кл. Оридски”, 1996, стр. 176
[45] Ibid, p. 177
[46] Фрай, Нортръп. op. cit.,стp. 143
[47] Saint Augustin. Les Confessions, livre VII, chapitre 13; traduction de Joseph Trabucco, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p.145
[48] Рикьор, Пол. op., cit., стр. 183
[49] Leibniz, Gottfried Wilhelm. Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal. < http://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=NDo-AAAAYAAJ&oi=fnd&pg=PA203&dq=Essais+de+th%C3%A9odic%C3%A9e+Leibniz&ots=xCkQ9PkgPu&sig=6iZPatT1T9INWXVuaMNeboa_CJE#v=snippet&q=adam%20eve&f=false
> p. 289
[50] Рикьор, Пол.op. cit., стр. 184
[51] Ibid, p. 186
[52] Troisfontaines, Claude. Spinoza : la mise en question de la création par une volonté libre. // La Genèse dans la littérature. Exégèses et réécritures. Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2005, p. 85